Lumpinee Boxing Stadium
Fin de combat ordinaire
Presque discrètement, sans fanfares, le Lumpinee Boxing Stadium a fermé ses portes.
En 60 ans, à raison de 3 soirs par semaine et de 10 combats par soirée, il y en a eu des boxeurs, des célèbres et d’autres moins, ou qui sont retombés dans l’anonymat le soir même. Souvent, ils venaient des campagnes du nord-est, souvent ils y sont retournés; plus rarement ils sont restés dans la capitale pour faire le taxi ou entrer à l’usine…
Peu à peu, les décibels montent et les cris noient la mélopée étrange, le crin-crin, le can-can des instruments traditionnels qui accompagnent les combats. A chaque coup porté, les supporters s’époumonent : « Thi ! ». Il faut influencer les arbitres et les amener à comptabiliser le coup de poing, le coup de pied. Le gong résonne, les rounds passent, les paris montent, les spectateurs crient, encouragent, les mains s’agitent encore, les doigts dansent, fin du troisième round, il en reste deux.
La soirée s’achève et étrangement personne ne semble s’attarder plus que d’habitude. C’est à peine si quelqu’un paraît se souvenir que ce lieu va disparaitre. Et pourtant, c’est bien le cas. Le Lumpinee Stadium ferme ses portes et dans quelques jours à peine, déjà, les murs auront été abattus, les gradins mis à nus et le ring, centre de notre monde pendant quelques heures, aura été démantelé sans un regret, sans un regard.
Les habitués, trop habitués sans doute, ressentent-ils un léger quelque chose, une pointe, une pincée d’émotion? Le pragmatisme des thaïlandais est une réalité et la métamorphose de Bangkok de ces dernières années en est la preuve inscrite dans le béton. Il y a peu de place pour la nostalgie au royaume des constructeurs. Bien sûr, le nouveau Stadium est une histoire à écrire, ce qui est souvent plus excitant qu’une histoire à lire; bien sûr, il faut savoir accueillir le moderne et prendre place dans ce qui est nouveau. Mais c’est toujours dommage d’effacer ainsi, d’un uppercut assassin, soixante ans de boxe.
Reportage publié dans L’équipe magazine – numéro 16397 du 7 février 2015
Jean-Charles Perrot
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