Lonely in Bangkok

Quatre années passées à Bangkok et toujours ce profond sentiment de solitude. C’est elle qui m’a accompagné lors de ma découverte de la ville, aussi bien lorsque, curieux, j’en arpentais les différents quartiers que pendant ma vie au quotidien. Comment peut-on en arriver à se sentir si seul dans une mégapole si peuplée ? Tout simplement en ne parvenant à communiquer sincèrement avec aucune des communautés qui s’y côtoie et qui, elles-mêmes, peinent parfois à s’écouter les unes, les autres…

Se posait alors, pour moi, une autre question: quand on a l’habitude de se servir de l’appareil-photo pour aller à la rencontre d’autrui, comment être photographe dans le désert ? On sait que, contrairement aux apparences, dans l’immensité des dunes, le voyageur n’a pas la sensation d’espace mais qu’il a plutôt tendance à se refermer et à entamer un monologue intime, introspectif, douloureux…

Bangkok est une ville à nulle autre pareille et le spectacle qu’elle nous livre nous nourrit jusqu’à la nausée et, en même temps, jamais ne nous rassasie vraiment. La violence et la richesse des contrastes. Jamais je n’avais vécu dans une ville qui m’avait bousculé autant… Tenter de la photographier était donc une évidence. Pourtant, il me fallait y inscrire cette solitude éprouvée.

Alors, j’ai vidé la ville de ses habitants. Et j’ai construit à l’intérieur de chaque image un espace qui doit conduire le regard pour l’amener à s’attarder sur ce qu’il ne fait, habituellement, qu’effleurer. Ce parti-pris m’a amené à écouter la ville, à entendre ce qu’elle avait à me dire sur elle, sur les hommes qui y vivent et la font, m’a conduit à établir un dialogue avec elle. Ce projet photographique est le témoignage de ce dialogue avec une ville devenue familière. Et, par ricochet, c’est aussi le témoignage de ma volonté de parler avec vous. Car même sans l’ombre d’une silhouette, il y a partout dans la ville la trace de ce que sont les hommes.